Oléoduc Énergie Est

Pas de décision avant l’automne 2018

OTTAWA — Le gouvernement Trudeau a annoncé, hier, de nouveaux critères intérimaires d’évaluation environnementale pour de grands projets comme Énergie Est, prolongeant du même coup les délais d’approbation de l’oléoduc controversé d’au moins neuf mois.

Ce nouveau délai fera en sorte que le cabinet de Justin Trudeau aura à trancher l’avenir de cet oléoduc au plus tôt vers l’automne 2018, soit un an avant les prochaines élections fédérales.

Parmi les nouveaux critères annoncés hier par la ministre de l’Environnement Catherine McKenna et le ministre des Ressources naturelles Jim Carr, Ottawa veut tenir compte des émissions de gaz à effet de serre directs de tous les projets énergétiques et des émissions en amont, c’est-à-dire les émissions liées à l’extraction du pétrole.

En outre, le gouvernement s’engage à consulter de manière plus rigoureuse les peuples autochtones qui pourraient être affectés par ces projets, de même que la population qui pourrait voir un projet de pipeline passer sur son territoire.

Par contre, les projets déjà à l’étude ne devront pas recommencer à zéro et être soumis à un nouvel examen. Leur évaluation ne fera que se poursuivre en vertu des nouveaux critères.

Les deux ministres ont précisé qu’il s’agit de règles transitoires, qui seront en vigueur en attendant une réforme plus large du régime d’évaluation environnementale et de l’Office national de l’énergie (ONE).

Ils ont affirmé que leur objectif est de redonner confiance aux Canadiens quant à ce processus qui avait fait l’objet de changements contestés sous le règne des conservateurs de Stephen Harper.

« Il y a des gens qui croient que ça doit être construit demain. Il y a ceux qui pensent que ça ne devrait jamais être construit. Et puis, il y a une foule de Canadiens qui veulent être satisfaits que le processus qui va mener à une décision soit bon et équitable. » — Le ministre Jim Carr

Les ministres McKenna et Carr ont fait cette annonce alors que le projet de construction de l’oléoduc Énergie Est soulève les passions au pays. Le maire de Montréal, Denis Coderre, et les représentants de 80 municipalités de la région se sont opposés à l’initiative de la société TransCanada au cours des derniers jours. Cette opposition a soulevé l’indignation dans le reste du Canada. Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a lancé que ces maires devraient dès lors renoncer aux milliards de dollars en péréquation que le Québec reçoit des provinces « riches » de la fédération.

Le gouvernement libéral s’en est tenu à marteler sa position initiale, selon laquelle il adoptera des mesures plus rigoureuses pour analyser les impacts environnementaux de ces projets.

« INGÉRENCE POLITIQUE »

Les délais prescrits pour l’examen d’Énergie Est par l’ONE passeront donc de 15 à 21 mois et ceux de la décision du gouvernement, de trois à six mois. Dans les faits, ce compte à rebours de 27 mois n’a pas encore commencé, puisque le dossier de la société TransCanada n’a pas encore été jugé complet par l’organisme. Il pourrait débuter vers la deuxième moitié de l’année en cours, selon le gouvernement.

Le délai pour une décision gouvernementale à l’égard du projet Trans Mountain est, de son côté, prolongé de quatre mois, pour un total de sept mois, ce qui porte l’échéance d’août à décembre 2016. Ce projet qui vise à transporter du brut d’Edmonton jusqu’à Burnaby, en Colombie-Britannique, fait aussi l’objet d’une vive opposition.

Le Parti conservateur, qui talonne le gouvernement Trudeau ces jours-ci pour qu’il approuve le plus rapidement possible Énergie Est en raison de la crise économique qui frappe l’Alberta et la Saskatchewan, a décrié les nouvelles mesures.

« Les libéraux essaient de réinventer le bouton à quatre trous. »

— Steven Blaney, député conservateur 

« C’est un projet qui est bon pour l’économie et pour l’environnement. Et aujourd’hui, on voit les libéraux ajouter de l’interférence politique et un facteur d’incertitude en changeant les règles du jeu en plein processus. C’est tout à fait irresponsable », a dénoncé le député conservateur de la région de Québec, Steven Blaney.

Profitant de sa journée d’opposition, le Parti conservateur forcera aujourd’hui la tenue d’un débat à la Chambre des communes sur les mérites du projet Énergie Est en présentant une motion qui vise à pousser les libéraux de Justin Trudeau à prendre position sur la question.

CODERRE SATISFAIT

En revanche, Denis Coderre s’est réjoui hier de la décision d’Ottawa d’étendre l’étude du projet Énergie Est, annonce qui survient au lendemain de sa rencontre avec le premier ministre Trudeau à Montréal.

« La balle est dans le camp de TransCanada », a lancé le maire de Montréal.

Assurant ne pas être contre les projets d’oléoduc, il souhaite voir l’entreprise répondre aux nombreuses préoccupations soulevées par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qu’il préside.

Denis Coderre a précisé que TransCanada avait contacté son bureau pour organiser une rencontre. Rappelons que le maire a maintes fois dénoncé « l’arrogance » de l’entreprise, qui avait refusé de participer à la consultation publique organisée par la CMM.

Plus tôt hier, le chef du NPD, Thomas Mulcair, avait réclamé un nouveau processus d’évaluation pour Énergie Est. Le groupe Environmental Defence a fait écho à cette demande par voie de communiqué, faisant valoir que, techniquement, le dossier n’est pas prêt à être évalué par l’ONE et donc qu’il ne devrait pas être soumis aux règles transitoires.

— Avec Pierre-André Normandin

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